Deuxième histoire ♪

Prologue

Dans le port de Fernard, l’agitation règne. Les femmes crient, les enfants pleurent et les hommes s’activent à chercher un bateau pour aller éteindre le feu qui brûle sur l’île Rouge. Mais ils ont tous disparus. Alors, impuissants, ils regardent brûler cette île qui avait contribué à leur prospérité, et qui avait vu se succéder les siècles… Soudain, une flamme s’envola plus haut que les autres et se perdit dans la nuit, accompagnée d’une sorte de ricanement.


Chapitre 1

Suzanne Durand soupira de mécontentement. Elle qui déteste les voyages, la voilà obligée de subir quatre heures de train. Mais c’est la famille, et la famille c’est important. Ça avait l’air très important d’ailleurs. Elle relut une dernière fois la lettre de sa mère :

Chère Suzanne,
Depuis que tu es partie dans ton université, les évènements se sont succédés dans l’île. Mais le dernier est pour le moins important, et nous ne pouvons le résoudre seuls,ton père et moi. Nous avons donc convoqué un conseil de famille, dont tu fais maintenant partie. Je suis sûre que tu brûles d’envie de savoir quel est cet évènement si important. Mais il ne serait pas prudent d’en parler dans une lettre qui pourrait être interceptée. Je t’attends le 16 juin par le train de 11h12.
Johanna Durand

Cela ressemblait bien à sa mère, ça. Elle était un peu paranoïaque, comme à son habitude, et exigeait toujours beaucoup d’elle. Bah, elle avait bien besoin de vacances ; ce trimestre l’avait épuisée. Elle s’installa plus confortablement dans son siège et ferma les yeux. 


M Edouard Duchêne roulait à tout allure sur la route longeant la baie. Le soleil se couchait sur la mer au loin, il n’aurait pas le temps d’arriver avant la nuit à l’île Rouge. Il s’arrêta dans un petit village et loua une chambre. Allongé sur son lit, il repensa à la raison de son départ précipité. Trois jours plutôt, il avait reçu un coup de téléphone de son père, lui disant de se rendre le plus vite possible à la maison familiale, puis il avait raccroché. Inquiet à cause de la teinte de peur dans la voix de son père, il avait prit la route presque immédiatement. Rien qu'en y repensant, il sentit un frisson de peur lui parcourir l’échine. Ne dis pas de bêtises, se dit-il pour se rassurer, ce n’est que le fruit de ton imagination. Il se tourna sur le côté et s’endormit peu à peu.

Alphonse et Johanna Durand venaient de finir leurs petits déjeuners quand le majordome apporta une lettre. Johanna la prit et l’ouvrit.
- Tiens, c’est Suzanne qui nous écrit, s’écria-t-elle tout étonnée
- Ah, tiens ! Et que nous dit-elle ?
- Elle dit qu’elle va arriver ici le 16 juin, par le train de 11h12 !
- Mais, dit-il en regardant le calendrier, c’est demain !
-Quoi ? Mais il faut que je prépare tout ! Elle ne pouvait pas nous prévenir plus tôt !
- C’est bizarre, ce n’est pas son habitude d’arriver chez nous à l’improviste. Elle prévient toujours avant. Elle ne dit rien d’autre ?
-  Si, elle à quelque chose à dire, mais elle préfère nous faire la surprise et nous le dire à tous en même tant.
- A tous ? Comment ça à tous ?
- je ne sais pas. C’est tous ce qu’il y a d’écrit.
- Bon. Va donc préparer sa chambre et deux autres, au cas où ;
Tandis que Johanna s’éloignait, Alphonse réfléchissait. Qu’est-ce que leur fille avait d’aussi important à leur dire, et qui sont les autres ? Soudain, une autre question s’insinua dans son esprit : Allait-il enfin avouer à sa famille qui pesait sur eux depuis des générations ? 


M Jean Duchêne faisait ses valises en vitesse. Il gesticulait dans tous les sens, lançait des vêtements à travers la pièce et se dépêchait de monter en voiture. Au loin, il vit la grosse voiture noire du propriétaire de la maison, suivit de deux voitures de police. Ouf, il avait réussit à partir avant qu’ils viennent le cueillir ! Car, il faut bien le dire, Jean Duchêne était un sacré filou. Il passait son temps à voler pour manger, et à s’installer dans les maisons qu’il savait inoccupé et repartait à l’arrivée du propriétaire. Mais, ce coup-ci, l’homme était arrivé plus tôt que prévu, et il s’était mit dans une colère noire en le voyant et il était allé chercher la police. Jean avait juste eu le temps de préparer ses valises, de sauter en voiture et de filer en trombe. Fonçant droit devant lui, ne sachant où aller, il s’arrêta dans un petit village pour la nuit. Curieusement, il lui parut vaguement familier. Mais il chassa bien vite cette idée de sa tête, pensant être victime de son épuisement. Il loua une chambre, et après un léger dîner, il monta se coucher. Pendant un instant encore, un sentiment de déjà-vu le prit, mais il le repoussa et s’endormit.



Dans le sombre grenier, le démon ricana. Enfin, après des années d’attente, la malédiction allait pouvoir s’accomplir. Et il n’aurait pas de pitié. Tous les membres de la famille mourront, et il sera enfin libre …


Chapitre 2

Johanna Durand, rapidement, faisait les chambres pour ses invités. Tout en s’affairant, elle se demandait bien pourquoi sa fille n’avait pas prévenue de son arrivée imminente, et surtout qui était ses « autres » ? Cela ne lui ressemblait pas ce genre de comportement. Elle s’inquiétait quelle n’avait pas eu de nouvelles de  sa fille depuis 5 mois, elle était maintenant rassurée… Durant le reste de la journée, elle eut tant de choses à faire qu’elle ne vit pas la journée passer. Elle partit le soir à l’épicerie pour acheter des provisions. Dans la rue, elle croisa une vieille femme qui recula, horrifié, en la voyant. Elle dit, avec une expression de terreur sur le visage : « La mort… la mort rôde autour de vous… la malédiction accomplie… vos pires craintes se réaliseront… le démon libéré… vous allez tous périr ! » Et elle s’enfuit. Johanna, tétanisée, la regarda se fondre dans la foule. La peur commença tordre ses entrailles. Elle se promit de tout raconter à son mari et prit le chemin de la maison d’un pas rapide. Mais une fois chez elle, elle fut prit par se obligations et peu à peu oublia l’incident.

Le train ralentissait en sifflant. Il allait bientôt entrer en gare. Avec un soupir de soulagement, Suzanne Durand rassembla ses affaires, se leva et sortit du wagon. Elle dû attendre un petit moment avant de pouvoir sortir à l’air libre. Le soleil brillait dans le ciel ; tandis que les passagers du train se massaient sur le quai, en quête d’un ami ou d’un membre de la famille. Suzanne, elle, ne cherchait personne. Elle se fraya un chemin jusqu’à la sortie puis commanda un taxi. Une fois qu’elle lui eut donné le nom de son village, elle contempla le paysage qui défilait derrière sa fenêtre.

Ce matin-là, en se réveillant, Edouard Duchêne resta allongé sur son lit, ses yeux fixant le plafond, cherchant à rassembler ses idées. Finalement il se leva, but un café, et reprit la route. Il arriva à Fernard en début de  soirée. Il s’arrêta à une cabine téléphonique et retenta, comme tous les soirs, d’appeler son père, en vain. Que lui était-il donc arrivé ? Edouard savait que son père avait la fâcheuse habitude de voler et d’utiliser les maisons vides. Mais, jamais n’avait-il eu de gros ennuis jusqu’ici…
Bah, il le saurait demain, et comme il avait du temps devant lui, il pourrait sûrement séjourner quelques temps chez les Durand. Peut-être y- aurait- il Suzanne. Il adorait sa cousine, même si elle avait un fichu caractère ! Il décida d’aller faire un tour sur la plage pour se détendre.


Jean Duchêne se promenait dans les rues de Fernard. Il repensait à son départ précipité. Comment se faisait-il que le propriétaire soit arrivé si tôt ? Il l’avait entendu dire qu’il partait un mois en Egypte. Et pourtant, deux semaines seulement après son départ, l’homme était de retour pour le jeter dehors. De plus, en sortant de la propriété, il avait repéré la police dans le coin de la rue, l’obligeant à prendre une route de campagne, qui l’avait amené dans ce village. Il regarda autour de lui. Son instinct ne l’avait pas trompé la veille, il avait bien reconnu l’endroit. Il regarda l’horizon, où se trouvait une magnifique île couverte d’arbres, flanqué d’une demeure moderne. L’île de sa famille. Peut-être que, malgré Alphonse, sa sœur accepterait de le loger quelques temps. Il paya un pêcheur pour l’emmener sur l’île. Une fois arrivé, il sauta sur le pont et respira un bon coup. L’air embaumait la menthe, qui poussait tout autour de la demeure. Jean s’avança d’un pas sûr vers la porte et sonna. Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit sur jolie jeune femme brune, aux grands yeux verts et à la peau blanche. Un sourire illumina son visage quand elle le reconnut.
- Jean ! Quelle surprise ! Cela faisait longtemps que je ne t’avais pas vu ! Comment vas-tu ?

Alphonse Durand venait juste de s’installer confortablement dans son fauteuil pour lire son journal quand la sonnette d’entrée retentit. Il fit mine de se lever, mais il entendit le pas précipité de Johanna qui se dirigeait vers l’entrée et se replongea dans les faits divers. Quelle ne fut pas sa surprise quand il entendit le nom de Jean. Jean Duchêne était le frère de sa femme. Mais c’était aussi un sacré filou, qui n’avait jamais réussi à avoir un travail correct. Il n’avait cessé de se fourrer dans les ennuis étant plus jeune, et il s’était souvent retrouvé en prison, d’où Johanna le sortait inlassablement. Alphonse ne l’aimait pas. Un jour, il avait surpris son beau-frère en train de voler des bijoux familiaux. Il s’était mis en colère, lui avait dit ses quatre vérités et l’avait banni de l’île Rouge. Cela faisait maintenant vingt ans… Du coin de l’œil, il les vit entrer dans le salon. Il avait changé. Ses cheveux, autrefois blonds, étaient maintenant gris, presque blancs. Des rides creusaient son front et ses joues. Mais la même lueur d’insolence brillait dans ses yeux. Il se raidit à la vue du maître des lieux, qui le salua d’un froid coup de tête. L’homme s’installa alors dans un fauteuil.

Johanna Durand se pressait vers la cuisine, en quête de boissons. Elle pétillait de joie. Son frère, qu’elle n’avait pas vu depuis une vingtaine d’années, était enfin de retour ! Certes, il avait vieilli, mais il restait le vieil homme. Combien de fois ne l’avait-elle pas tiré des ennuis dans lequel il ne cessait de se fourrer… Une fois en possession de boissons et d’amuse-gueules, elle retourna au salon, surprenant les deux hommes, qui se regardaient en chiens de fusil. Elle leva les yeux au ciel. Ces deux-là n’avait jamais pu se voir ! Elle lança un regard d’avertissement à son mari, servit son frère et commença à discuter. Il la fit beaucoup rire avec ses péripéties. Elle ne se rendit compte du temps qui passait que quand la sonnette d’entrée retentit à nouveau.

Edouard Duchêne revenait de la plage quand il eut l’agréable surprise de reconnaître sa cousine descendant d’un taxi. Il la héla, et quand elle l’eut reconnu, un sourire éclaira le visage de la jeune fille. E cœur du jeune homme battit un peu plus vite. Qu’elle était belle, dans sa robe d’été blanche, les cheveux au vent ! Elle s’approcha et embrassa les deux joues d’Edouard, qui rougit. Ils discutèrent quelques temps, puis se dirigèrent vers le port pour louer un bateau.


Suzanne Durand regardait l’Ile Rouge. Qu’elle aimait ce petit coin de terre ! Elle y avait passé toute son enfance à jouer dans le jardin, parfois en compagnie d’Edouard. Elle se tourna vers lui et lui sourit. Il lui rendit son sourire. Il avait toujours été adorable avec elle, la protégeant comme si elle était sa sœur. Hélas, tout cela avait été détruit quand ses parents l’avaient mis en pension loin d’ici, la plongeant dans d’interminables conflits familiaux. Elle se redressa. Inutile de se morfondre, elle était enfin de retour. De plus, elle avait oubliée, mais sa mère avait quelque chose d’important à dire. Est-ce pour cette raison qu’Edouard était-là ? Oui, sûrement. Sa mère avait dit « à tous ». Cela voulait dire que le père d’Edouard serait peut-être là aussi. Suzanne ne l’avait jamais rencontré, étant donné que son père l’avait interdit de séjour dans la maison familiale avant sa naissance. Néanmoins, sa mère l’avait décrit comme un homme intelligent et agréable, malgré ses nombreuses arnaques. La arque abordait la plage, devant l’entrée de la maison. Les jeunes gens en descendirent, et, chargés de bagages, se dirigèrent vers la porte.

Alphonse Durand s’ennuyait ferme. Il assistait au triomphe de son beau-frère. En plus, il ne pouvait rien faire sans froisser sa femme. Quel ne fut pas son soulagement quand la sonnette retentit de nouveau. Il regarda sa femme se lever pour ouvrir et fusilla Duchêne du regard, qui lui adressa un sourire satisfait. Il était agaçant de voir que cet individu se sentait de plus en plus à son aise. Mais il ne perdait rien pour attendre. Alphonse observa les nouveaux arrivants qui entraient dans le salon, et quand il eut reconnu sa fille et son neveu, il lui sembla que quelque chose s’effondrait en lui.

Chapitre 3


Suzanne observait son père. Dés son entrée, elle avait vu son visage se décomposer et se demandait ce qui se passait. Elle se précipita vers lui.
- Eh bien, Père, vous en faites une tête ! On jurerait que vous n’êtes pas content de me voir !
- Bien sûr que si, répond-t-il  en l’embrassant, avant de se tourner vers son neveu.
- Et toi, Edouard, comment vas-tu ? Ce la faisait longtemps que nous n’avions pas de nouvelles. Que deviens-tu ?
Et il se lança dans une conversation sur les études avec le jeune homme. Suzanne sourit. Elle s’était inquiétée pour rien. La jeune fille se mêla à la conversation.

Johanna avait elle aussi remarqué l’expression du visage de son mari, et en avait tout de suite déduit que quelque chose de grave était arrivé. Mais elle n’arrivait pas à comprendre quoi. Elle décida d’attendre. Après tout, si c’était vraiment grave, Alphonse finirait par le lui dire. Elle repensa un instant à la malédiction de la vieille, mais repoussa ce souvenir ; Cette dame était folle, elle délirait. Johanna ne voyait pas ce qui pouvait arriver ; Aujourd’hui était le plus beau jour de sa vie depuis vingt ans. Elle s’approcha alors de ses invités pour les emmener vers la salle à manger où les attendait le dîner.

Jean se sentait très à son aise. Il avait bien vu que sa présence gênait son beau-frère, et ça lui plaisait. Puis il avait vu entrer son fils accompagné d’une jolie jeune fille brune, qui se révéla être sa nièce, Suzanne. Il ne l’avait jamais vu auparavant, étant donné qu’il avait été banni de la maison avant sa naissance. Il l’examina et la trouva d’un caractère jovial et agréable. Elle semblait faire beaucoup d’effet à Edouard. Jean sentit son cœur se serrer. Chaque fois qu’il regardait son fils, il ne pouvait s’empêcher de noter la ressemblance frappante avec sa mère. Hélas, celle-ci était morte en le mettant au monde, laissant à son  mari le petit à élever. Il s’en était occupé comme il le pouvait, le laissant souvent pendant les vacances chez sa sœur. Maintenant, Edouard était majeur, il ne vivait plus ensemble, mais cela manquait à Jean. C’est pourquoi il était content d’être ici, avec tous les membres de la famille. Il s’aperçut alors que c’était la première fois qu’ils étaient ainsi réunis. Il se demandait pourquoi quand soudain Alphonse se leva.


Le maître des lieux tremblait comme une feuille. Il savait qu’il devait absolument parler de la malédiction qui pesait sur la famille, mais il n’arrivait pas à s’y résoudre à faire naître la crainte en eux. Tous les visages s’étaient tournés vers lui. Il les regarda un à un. Celui de Johanna, beau comme au premier jour ; celui de Suzanne, un sourire encourageant mais un regard inquiet ; celui d’Edouard, sérieux et très attentif ; celui de Jean, un léger sourire sur les lèvres en un rictus méprisant. Non, Alphonse ne pouvait se résoudre à semer la crainte dans leurs esprits, et pourtant il devait le faire. Alors, il commença son récit d’une voix lente et monocorde.


1748. La maison de l’île Rouge se dresse face à Fernard, imposante. En ce jour ce fête le mariage de l’héritier des lieux, et l’île résonne de cris d’enfants, de rires et de musique. Partout l’on voit des visages radieux et des yeux pétillants. Le soleil brille, il fait beau et chaud. Un peu à l’écart des réjouissances, un couple se balade tranquillement sur la plage ; Anne, la sœur cadette du mariée, est resplendissante dans sa robe azur. Elle parle avec animation, en faisant de grands gestes. Le jeune homme qui l’accompagnait écoutait la jeune fille avec attention, tout en la dévorant des yeux. Ils cheminèrent ainsi un moment, quand soudain l’homme l’étreint et tente de l’embrasser. Elle le repousse amicalement, et soudain vit briller dans ses pupilles dorés deux flammes noires. Prise de panique, elle se mit à hurler. Elle assiste, tétanisée, à la transformation du monstre. Le jeune homme disparut dans un grand nuage pourpre, un bruit écœurant retentit, accompagné d’un vent chaud, puis le nuage se dissipa, laissant place à une créature haute de deux mètres, à la peau craquelé couleur rouille et aux yeux fendu d’un  noir profond, une longe queue au bout triangulaire traînant dans son sillage, et qui la tenait dans ses bras. Elle hurla à nouveau et se débattit. Quelques personnes l’entendirent et se précipitèrent. L’un d’eux s’approcha plus vite et tenta de la libérer en se jetant sur le monstre. Il fut brûlé vif par la peau du démon, un autre eu les jambes fauché par sa queue, un troisième se retrouva avec la tête enfoncée dans le sol. Un dernier, enfin, trouva le point faible de la créature : Il attrapa le bout de sa queue et le serra. Aussitôt, le monstre poussa un cri de douleur, lâcha Anne et se tâta sous toutes les coutures, apeuré, tout en rétrécissant. Bientôt, il fut de la taille d’une balle de tennis, et alors il explosa. Un hurlement d’horreur retentit dans l’air puis ce fut le silence. Toute réjouissance avait disparut des visages. Chacun était d’une pâleur mortelle. Quelques minutes s’écoulèrent, puis soudain une voix, sombre et menaçante, transperça le silence :
- Je vous maudis, répugnants humains ! Vous allez payez pour ce que vous m’avez fait ! A partir de ce jour, cette maison ne sera plus votre foyer mais votre tombeau. Vous ne pourrez plus jamais vous réunir ici, sous peine de mourir tous ! Et alors je serais libre ! 
Et il éclata d’un rire sinistre, qui glaça le sang de toutes les personnes présentes.

Autour de la table, le silence régnait. Alphonse s’était rassit, le visage dans les mains. Suzanne et sa mère affichaient la même expression terrorisée. Edouard avait la même expression qu’au début du récit, mais u léger tremblement trahissait sa peur. Quant à Jean, son visage était encore plus méprisant. Il se leva et déclara qu’il ne resterait pas une minute de plus dans cette maison avec un menteur, en se dirigeant vers la porte. Alphonse ne répondit ni ne bougea. Les deux femmes et le jeune homme observèrent Jean qui s’acharnait sur la porte, et qui ne parvint pas à l’ouvrir. Il fit le tour de la maison, le doute creusant son visage, mais toutes les issues étaient bloquées. Quand il revint dans la salle à manger, Alphonse reprit la parole :
- Dites moi, chacun votre tour, pourquoi vous êtes là.
Les trois invités obtempérèrent et ils se rendirent compte alors qu’ils avaient été manipulés. Dehors, le soleil se couchait. Ils le regardèrent en silence descendre et disparaître à l’horizon.


Soudain Johanna se leva et se dirigea vers l’escalier. Malédiction ou pas, elle se devait d’honorer ses devoirs d’hôtesse. Elle invita donc ses invités à la suivre afin de les aider à s’installer dans leurs chambres, puis redescendit afin de faire la vaisselle et de ranger un peu la maison.

Suzanne retrouva sa chambre avec joie. Malgré la menace qui pesait sur eux, elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver du bonheur, car elle était enfin de retour chez elle. Elle était heureuse aussi de retrouver Edouard, son cousin lui avait manqué. Elle l’entendait discuter avec son père dans la chambre d’a côté. Elle avait trouvé celui-ci assez agréable, mais il y avait une certaine arrogance dans son attitude, et elle comprenait pourquoi son père ne l’aimait pas.

Le démon jubilait. Quand le maître des lieux avait parlé de la malédiction, il avait observé chaque humain, avait discerné la panique chez chacun d’eux. Il en avait été de même quand il avait bloqué toutes les sorties. Puis ils les avaient regardait reprendre leurs petites vies misérables. Mais plus pour longtemps, se dit-il. Ils ne savent pas ce qui les attend. Quand il en aura fini avec eux, il ne restera plus rien de l’île Rouge. Et alors, ça vengeance sera enfin accomplie, et il sera libre. Il éclata de rire, du même rire sinistre que deux siècles plus tôt, qui se répercuta dans les pièces de la maison.


Chapitre 4


Chacune des personnes présentes dans la maison se raidirent à ce son, puis continuèrent leurs activités comme si de rien n'était. Bientôt, chacun fut dans sa chambre, et la maison devint sombre. Cependant, aucun d'eux ne put dormir et restèrent les yeux grands ouverts dans le noir.


Alphonse tremblait encore. Il revoyait sans cesse les visages terrifiés des membres de sa famille. Il savait ce qui allait se passer. le démon devait tuer toute sa famille pour pouvoir se libérer. Cela faisait deux siècles qu'il était emprisonné, il avait envie de se venger et lui, en tant que descendant direct de l'homme qui avait réussi à emprisonner le démon, serait e premier à mourir. Ensuite, ce sera le tour de Suzanne, son héritière. A cette pensée, la panique le prit, il se leva précipitamment, et déambula dans la chambre. Il chercha vivement une solution pour les sauver tous, mais il ne trouva rien et finit, la mort dans l'âme, par se recoucher auprès de sa femme qui fixait la pluie qui tombait derrière la fenêtre.


Johanna fixait la pluie qui tombait derrière la fenêtre. Comme dans un hall, elle entendait la respiration de son mari se répercutait sur les murs, qui n'était pas assez régulière pour qu'il soit endormi. Est-ce qu'Alphonse avait dit la vérité ? En tout cas, il en semblait convaincu. Mais était-ce possible ? Elle tourna et retourna cette question dans sa tête. Elle vit en image les différents passages du récit de son mari, la douce Anne ressemblant beaucoup à Suzanne. Avec un frisson, elle se tourna et tenta de s'endormir, mais elle ne parvint pas à chasser toutes ses pensées de son esprit et resta éveillé.

Suzanne paniquait dans son lit. La douce joie qu'elle avait éprouvé à la vue de ce qu'elle aimait était partie. L'obscurité rendait plus réel l'histoire de son père. Elle avait pris conscience qu'elle était en danger, elle et tous les siens. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander qui serait le premier à mourir, et frissonna à l'idée que ce pourrait être elle. La jeune fille imaginait les morts atroces que pouvait faire subir un démon. Terrifié à cette idée, elle se cacha sous les couvertures, quand soudain elle entendit craquer le plancher dans le couloir. Aussitôt, elle se leva, se dirigea vers la porte et l'entrouvrit. Ouf, ce n'était qu'Edouard ! Elle referma la porte, se recoucha et se mit à fixer le plafond, tremblant à chaque bruit.

Le démon s'amusait énormément. Il avait épié les pensées de chaque humain. Il avait observé les gesticulations du maître des lieux. Des images flottaient dans la tête de sa femme. Il sursauta. Comment avait-elle deviné pour Anne ? Car, en effet,  la fille lui ressemblait énormément. Il percevait toutes ses idées de morts atroces. Il sourit. Sans le savoir, la jeune fille venait de lui donner des idées... Le démon se désintéressa d'eux pour aller voir ce qui se passait du côté des Duchêne. les deux hommes étaient tombés d'accord : Ils pensaient ne courir aucun danger. Grave erreur, pensa le démon. Seulement, il n'avait pas la même façon de s'en accommoder. l'homme aux yeux arrogants semblait sûr de lui , il se sentait vraiment en sécurité. Il arrivait même à dormir sans problèmes, avec l'idée que sa soeur allait mourir ! Décidément, cet homme plaisait au démon... le jeune homme, quant à lui, même si il partageait les assurances de survie de son père, sans y croire tout à fait, s'inquiétait pour la jeune fille. Le démon ricana. L'amour ! Ses pensées le portèrent de nouveau vers Anne. Il était tombé amoureux d'elle dés l'instant où il la vit. Il avait alors commencé à la courtiser, selon la tradition, mais elle avait toujours repoussé ses avances. Et puis un jour, un jour maudit, alors qu'elle l'avait encore une fois repoussé, il s'était dévoilé. Et depuis, il ruminait sa vengeance... Le regard du démon se durcit. Les humains allaient tous périr, même la fille qui ressemblait tant à sa bien-aimée. Quant au Duchêne, ils mourront également, car eux aussi, même si ils l'ignorent, descendent d'Anne.


Le soleil pointait à l'horizon. la nature reprenait vie. Partout, les oiseaux gazouillaient, les lapins sautillaient gaiement. Les plantes retrouvaient leurs couleurs sous la lumière chaleureuse de l'étoile solaire. Tout sur l'île resplendissait de vie et de bonheur. Mais dans la grande maison, l'humeur n'était pas à la joie. Chaque occupant était dans la salle à manger, les traits tirés, et prenaient leurs petits déjeuners en silence. Aucun d'eux n'avaient beaucoup dormi. Une fois leurs repas terminé, ils se levèrent et s'éparpillèrent dans la maison. Alphonse s'approcha de la porte et tourna la poignée ce qui, à sa grande surprise, l'ouvrit. Il décida alors d'aller faire un tour dans l'île, comme à son habitude. il sortit et s'engagea sur le chemin qui longeait la côte. Au bout d'un quart d'heure, il entreprit de monter la falaise au sommet de laquelle se trouvait son point de vue favori. Un peu essoufflé, il s'arrêta pour admirer le port de Fernard, qu'on distinguait très bien. Il pensa avec tristesse qu'il n'aurait sûrement plus jamais l'occasion d'y retourner. Il ne se doutait pas que c'était la dernière fois qu'il admirait le port... Alors qu'il suivait un sentier qui sinuait entre les arbres pour le ramener tranquillement à la maison, la terre se déroba sous lui, et il se sentit tomber. Il ne vit qu'un instant le pic gros d'un centimètre de diamètre avant que celui-ci ne le transperce le ventre, avant de ressortir dans son dos au niveau de ses omoplates. Du sang gicla. La douleur fut tellement fulgurante qu'il hurla, tout en tentant de se dégager, mais hélas il se trouvait à un mètre du sol.


Johanna s'affairait dans la cuisine. Elle tentai de s'absorber dans la préparation du déjeuner afin d'oublier ses soucis. Dehors, tout semblait paisible. Elle s'arrêta un instant pour observer la nature en fête. Elle se perdit dans ses pensées, quand soudain un long hurlement retentit. pendant un instant, elle resta interdite, puis elle reconnut la voix de son mari. Affolée, elle sortit de la pièce à toute allure, manquant de reverser Edouard, qui sortait du salon. Tout d'eux s'empressèrent vers le lieu d'où s'élever les cris d'agonie, qui commençaient déjà à faiblir. Johanna entendit des pas derrière eux, mais elle reconnut Suzanne et Jean. Ils venaient de rejoindre le trou quand les hurlements cessèrent. Alors, se penchant pour mieux distinguer, ils virent tous le cadavre d'Alponse Durand, empalé sur un pieu, se vidant de son sang.


Chapitre 5 


Suzanne, pétrifiée, regardait son oncle et son cousin sortir le corps de son père du trou où il gisait. Une peu de sang coulait du trou qu'il avait au ventre. Ses traits exprimaient la souffrance. Ses yeux exorbités étaient vides, neutres. sans un mot, la jeune fille s'approcha et les lui ferma. Ainsi, il semblaient dormir. Ils suivirent tous en silence le chemin jusqu'à la maison, et déposèrent la dépouille dans le bureau, avant de retourner au salon. Chacun s'effondra dans un fauteuil, et le silence se réinstalla. dehors, il faisait toujours aussi beau, et les oiseaux chantaient gaiement, mais tous cela leur parvenaient ternes et tristes. Suzanne tremblait. Elle observait son oncle, elle attendait de lui qu'il les rassure, qu'il leur explique que tout irait bien, qu'il reprenne la place de son père disparu.

à suivre...